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Opération résilience ? Chiche !

Depuis peu, le terme de résilience est paré de toutes les vertus. Son succès est tel qu’il est possible de l’associer à une opération militaire sans provoquer de commentaires. Lorsque le département de la Gironde s’est engagé l’an dernier dans la voie de la résilience territoriale pour requalifier l’ensemble de ses politiques publiques, ce changement de paradigme suscitait davantage d’interrogations. Ce terme de résilience, largement répandu en psychologie pour caractériser les reconstructions individuelles après un choc, était abordé avec encore beaucoup de timidité par les acteurs publics. Appliquée aux territoires, la résilience renvoie à une organisation nouvelle de la société qui mérite pourtant de franchir le cap des expérimentations.


La résilience territoriale relève en grande partie de l’anticipation. Elle vise à s’adapter collectivement aux changements radicaux, environnementaux et sociétaux, qui s’annoncent. Elle repose sur plus de solidarité entre nous, plus de sobriété dans nos habitudes de consommation et un rapport plus humble à la nature. Ces changements auxquels il nous faut nous adapter, que nous aurions déjà dû et que nous devrons anticiper, sont ceux d’un monde fragilisé par l’ère anthropocène et exposé aux échelles planétaire, nationale et locale à l’accumulation de risques liés les uns aux autres, qu’ils soient : environnementaux, économiques, sociaux, démocratiques, ou…sanitaires. Ces changements sont aussi ceux qui exposent davantage les plus vulnérables.


L’urgence est au traitement de la tragédie qui frappe notre pays. Le temps de la reconstruction n’est pas encore venu. Cependant, il doit y avoir un avant et un après Covid 19. Aussi, le temps de l’action ne doit pas empêcher de réfléchir aux voies de sortie de la crise actuelle. A cet effet, une approche collective de la résilience me semble s’imposer, au-delà des effets de communication. Et ce, pour deux raisons. Premièrement, faire l’autruche en considérant que sitôt sorti d’affaire, le monde pourra reprendre son cours « normal » nous conduirait droit dans le mur. Deuxièmement, il est de notre devoir d’ouvrir enfin des perspectives heureuses aux jeunes et de réenchanter avec eux le monde d’après.


Passé le choc, nous revivrons, au sens où nous renaîtrons. Faisons en sorte que cette renaissance nous permette précisément de ne plus revivre les mêmes tragédies. Nous pourrons ensemble sortir plus fort de cette épreuve en tirant des leçons de nos erreurs et en inventant de nouvelles manières de vivre, plus respectueuses de la nature et donc, aussi, de l’humanité. Pour cela, solidarités et coopérations devront jouer à tous les niveaux : entre citoyens, entre élus et citoyens, entre institutions, entre les sphères publique et privée, … A l’imbrication des risques aux échelles nationale et locale, nous devons répondre par une imbrication des solutions solidaires aux mêmes échelles. A l’intensité du choc qui nous percute aujourd’hui, nous devrons répondre par une intensité nouvelle dans notre rapport à l’autre. Le dévouement de toutes les personnes qui maintiennent actuellement notre pays en vie acte cette priorité.


Hier remis en cause, les Départements, chefs de file des solidarités humaines et territoriales, sont pourtant des maillons essentiels à une organisation résiliente de notre société, reposant sur plus de proximité et sur un service public efficace. Avec sa stratégie de résilience territoriale, le Département de la Gironde a réaffirmé sa volonté d’accompagner ce changement de modèle. Sur la forme, notre organisation démocratique s’ouvre toujours plus au « faire ensemble » : panel citoyen, budget participatif, conseils de territoires, design de services publics, développement du pouvoir d’agir des habitants, les exemples ne manquent pas.


Sur le fond, nous avons lancé des initiatives qui prennent tout leur sens aujourd’hui. J’en citerai deux. D’une part le programme Gironde Alimen’terre visant à encourager des modes de production et de consommation alimentaires plus résilients, en cherchant à améliorer l’autonomie alimentaire et à rapprocher les consommateurs des producteurs locaux. D’autre part, l’expérimentation du revenu de base, fortement revendiquée par de nombreux Départements qui n’ont pas été entendus et qui, nous pouvons le penser, aurait pu trouver son utilité en ces temps de fortes incertitudes.


Sur ces sujets, comme sur beaucoup d’autres, les collectivités locales jouent et continueront de jouer un rôle essentiel pour la construction d’un monde plus apaisé, plus respirable, plus inclusif et mieux habité. Pour cela, elles auront néanmoins besoin d’appuis solides. Sortie du champ de bataille, l’«opération résilience» passera à la fois par un changement de cap fort au niveau mondial mais aussi, en France, par un renforcement des pouvoirs locaux à même de relever le défi des transformations en innovant aux côtés des citoyennes et des citoyens qui sont déjà prêts au changement.


Tribune parue dans Rue89 Bordeaux :


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